lundi 21 décembre 2015

Il y a des jours où il fait nuit.
Des jours où tout est nostalgie.
Des jours où en catimini,
La lune, comme une souris,
Grignote de gros nuages gris.

dimanche 15 novembre 2015

Écrire... A quoi bon ?

Futiles et dérisoires,
Les mots se refusent là où la vie reflue.
Encre noire, bitume ensanglanté,
Le combat semble bien inégal.

Pourtant...

Ils ont commencé par assassiner des dessinateurs
C'est au simple plaisir d'être en vie qu'ils s'en prennent à présent
On ne peut pas les laisser faire
Sans rien dire

Alors oui, écrivons !
La rage au cœur, écrivons
Le tendre goût de la vie, écrivons
Notre liberté de boire et de rire, écrivons
Nos envies de musique et d'amour, écrivons
Notre bonheur et notre volonté d'en jouir, écrivons

Écrivons plus
Écrivons mieux
Plus haut et plus fort,
Écrivons !

mardi 3 novembre 2015

Arriver, traverser, s'effacer
Grandir, vieillir, mourir
Aimer, perdre, oublier

La règle de trois de la vie ne s'apprend pas à l'école
Elle s'apprend sur le tas, elle s'apprend sur le tard

Elle se grave sur le sable de nos chagrins
Dans la chair de nos corps démunis

Un deux trois soleil
A peine un pas de fourmi
Et c'est déjà fini

samedi 31 octobre 2015

Noix, figues et raisins,
Automne au compotier.
Sur le sol détrempé,
Des arbres du jardin
Tombe l'or croustillant.
Il fait frais à présent.

Sur la table, dehors,
Un moineau cherche en vain
Les trois miettes de pain
Qu'il affectionnait fort.
Puis s'en va, sautillant.
D'hiverner il est temps.

Te voici bien lyrique.
Pas d'idée, c'est le hic.
Ou plutôt trop d'idées,
Par l'info suggérées.
Difficile de s'extraire
De l'ambiance délétère.
Difficile de lutter
Contre le bien-penser.
C'est ainsi qu'on finit
Par écrire riquiqui :
Un poème d'automne...
Mais où sont tes neurones ?!

mardi 22 septembre 2015

Une boîte de bonbons La Vosgienne en fer. Ronde. Éraflée. D'un bleu-vert un peu rouillé.
Avec elle je jouais à la marelle dans la cour de récréation.
Les jambes nues en hiver, les nattes, la porte des toilettes qui ne fermait jamais.
Les tables de multiplication imprimées au dos des cahiers, les frises de coloriage pour séparer les jours, les dessins appliqués en marge des récitations.
Les bûchettes en bois peint, les encriers en faïence blanche encastrés dans le coin supérieur droit des pupitres inclinés, les taches d'encre violette sur les tabliers.
Contre les genoux, le froid vert de la case métallique dans laquelle nous rangions nos trésors.
Les prénoms gravés dans le bois de nos tables.
L'odeur des copies qu'on nous distribuait. Alcool, encre et papier. Le parfum d'amande amère de la colle blanche en pot. Celui des crayons de couleur quand coulissait le couvercle du plumier.

Le passé s'écrit dans nos mémoires en lettres sensuelles, c'est ce qui le rend si doux à caresser.

mardi 15 septembre 2015

Évanescence

Écume des mots, des choses, et de la vie
Parfum d'espoir, de désespoir
Tout n'est que traces
Et tout s'efface

Ici on vocifère
Ailleurs on tonitrue
On se pavane
On joue des muscles

Il n'en restera rien

A peine une ligne
Dans un livre d'histoire

Puis le livre d'histoire
Lui-même s'évanouira

D'autres viendront
S'agiteront
Disparaîtront

Désert glacé
Silence
Obscurité

Tout n'est que traces
Et tout s'efface

samedi 12 septembre 2015

Écoute-moi, murmure le coquillage. Colle bien ton oreille contre ma bouche, et écoute. Elle respire doucement, tu l'entends ?
Je vais te raconter son histoire. Ses amants. Ses trésors.

Pour l'instant il n'y a rien à craindre. Elle repose au fond de mon labyrinthe, la chevelure dénouée, abandonnée, offerte.
Elle dort.
Plus tard, peut-être, elle se roulera en tourbillons de sable, elle criera sa colère au creux de mon ventre, elle sera dangereuse, elle pourra même tuer.
Cela aussi, je te le raconterai.
Ses naufrages, et ses larmes.

Écoute. Écoute son souffle lent qui fait bouger les algues. Écoute la vague qui soupire au rivage. Écoute l'écume qui pétille.

Je vais te raconter comment je l'ai enfermée dans mon silence nacré.
Je vais te raconter le grain de sa peau. Le sel de ses lèvres.
Je vais te raconter les légendes qu'on a tissées pour elle, brumes d'alcool et d'opium rêvées par des marins aux yeux brûlés par son éclat.

Je vais te raconter, je vais te raconter.

mardi 28 juillet 2015

Ils sont là, dans l'ombre
Leur nombre croît sans cesse
Attendant en silence
Condamnant mon sommeil
Au début ils se rassemblaient
S'épaulaient, se soutenaient
Progressant discrètement
Presque timidement

       A présent ils se répandent
                                                S'éparpillent
                                                                     Sûrs de leur force
                                                                                                  De leur pouvoir

Ils se glissent dans le moindre interstice                               

Rampent jusqu'à mon lit

Sentinelles immobiles et muettes

Fermées sur leurs secrets

Les livres...

mardi 21 juillet 2015

Elle est partie, âgée, menue.
La grande maison est vendue.
Avant il faut débarrasser.
Vider. Trier. Jeter. Jeter.
On découvre ainsi, quel dommage,
Des cadeaux dans leur emballage,
Des boîtes pleines d'élastiques,
Un chiffon qui sent l'encaustique.
Sous une pile de draps frais,
Un ruban, une dent de lait.
Le dérisoire d'une vie,
En quatre jours éparpillé.

Et hop, un dernier tour de clef,
Direction, la déchetterie.

samedi 18 juillet 2015

Fragile est la lumière, timide, et incertaine.
Tandis que de la vie se tarit la fontaine,
Dans l'ombre du miroir rôde le désespoir,
Et du passé trahi monte l'odeur du noir.

De nos jours patiemment la mort fait la moisson.
Le temps est immobile, et c'est nous qui passons,
Petits pantins naïfs à l'éphémère destin,
D'un ridicule esquif passagers clandestins.

Alors de cette vie, ce petit bout de rien,
Tous les menus plaisirs, grappillons, chapardons.
Oublions que pour nous bientôt viendra la fin,
Et pieds nus dans la nuit dansons sur les chardons.
 

mercredi 15 juillet 2015

"Viens, dit la mère à l'enfant qui s'inquiète, allons faire un gâteau."
La farine est légère, elle s'envole sur le bout de son nez, ils rient tous les deux.
Il la dispose en petit tas, qu'il creuse pour y casser les œufs.
"Regarde maman, la jolie montagne !"
La farine se fissure, laisse échapper un peu de jaune. D'un doigt l'enfant y dessine quelque chose que la mère distingue mal. Elle se penche, pose un bras tendre sur ses épaules.
"Qu'est-ce que c'est ?"

"Qu'est-ce que c'est ?" demandent les touristes hébétés de chaleur.
Le guide s'est arrêté devant d'étranges statues de plâtre qui rampent sur le sol.
"Les moulages des corps, réalisés à partir de leur enveloppe de cendres durcies", explique-t-il avec un brin de lassitude.
Et les touristes de s'extasier, comme d'habitude, sur le chien tordu de douleur, l'homme qui se débat, la mère dont le bras enserre toujours l'enfant.
C'est si calme aujourd'hui.

mardi 23 juin 2015

Les paroles s'envolent, dit-on, et les écrits restent.
Les années s'envolent, les souvenirs restent.
Puis c'est le souffle de l'un qui s'envole,
Et l'autre qui reste. Seul.
Quand les souvenirs
S'envolent aussi,
Il ne reste
Rien.

samedi 23 mai 2015

Café. Noir. Fort.
Je pousse la porte. Petite table ronde. En angle. En vitrine. En alu.
Il pleut.
Le garçon se matérialise.
Grand. Voûté. Un peu las.

Café. Noir. Fort.
Une larme brune a coulé dans la soucoupe. Sucre taché. Petite cuillère, pas nette.
Il pleut.
Je ne sais pas où aller.
Vide. Seule. Égarée.

Café. Noir. Fort.
Amertume sur la langue. Chaleur, réconfort. Et déjà, l'appréhension du dehors.
Il pleut.
Je n'ai pas de quoi payer.
Porte-monnaie, lambeaux de vie, oubliés.

Café. Noir. Fort.
Sur le seuil, je vacille. Le vent, glacial. Je me blottis dans ma robe d'été.
Il pleut.
Un vague souvenir m'assaille.
Alzheimer, ils ont dit.

mardi 19 mai 2015

Un fil ténu, tendu, entre le monde et elle,
Un fil arachnéen, un rien, une dentelle,
Qui peu à peu s'efface,
S'effrite, et disparaît.
L'on sait déjà, hélas,
Qu'il finira muet,
Ce petit fil tendu entre le monde et elle.
Dans un an, dans dix ans, à quoi servira-t-elle ?

17 ans aujourd'hui !
L'âge que j'avais alors
Quand j'ignorais encore
Qu'un jour tu serais là.
17 ans aujourd'hui,
Incroyable! Déjà?

samedi 16 mai 2015

Clameurs dans la cour,
Un ballon s'envole,
Le tir est trop court,
En face on rigole.

Plus loin on s'observe,
On discute, on ment,
Parfois on s'énerve,
On forme des clans.

Dans un coin on troque,
On vend, on achète,
On triche, on escroque,
Vite, à la sauvette.

Mais l'heure a tourné,
Tout le monde en rang.
Fin de la récré,
Retour au néant.

La sirène ulule.
Matons et matraques.
Chacun sa cellule.
Et le verrou claque.

vendredi 15 mai 2015

Il a pris ses habitudes au Blue Anchor Inn. Un pub agrippé à une falaise rouge, grignotée par la mer, qui à chaque coup de noroît perd un bout de jardin.
Il y a quelque temps des experts sont venus. La mine grave ils ont pris des mesures, noirci des pages de savants calculs. Un beau matin c'est le pub tout entier qui basculera dans le vide. Avis de fermeture imminente. La mine grave ils sont repartis.
Le pub, lui, est resté. Sa clientèle et ses joueurs de fiddle aussi. La Guinness réchauffe l'âme, on rit, on trinque, on parie, comme si au-dehors le néant n'avançait pas.
A toute heure il est là, accroché au bar ou devant la cheminée où ronronne le feu. Les autres entrent et sortent, vont et viennent, s'interpellent. Il les regarde s'agiter sans broncher. Il boit, il mange, il re-mange, il re-boit. C'est une affaire sérieuse. Sa retraite, aussi maigre que son ventre est rond, y passe presque entièrement. De toute façon il y a bien longtemps que plus personne ne l'attend chez lui. Sa maison, c'est ici.
De temps en temps il s'adresse aux rares étrangers qui font halte. "Where're you from ?"
Il voyage à travers leurs réponses. Il est heureux ainsi.
Comme si au-dehors le néant n'avançait pas.

mardi 12 mai 2015

Bruyère rousse, rase,
Balayée d'une chevelure blonde.
Terre noire, spongieuse,
Parcourue de frissons d'eau de pluie.
Au loin, un coucou.
Un cheval qui s'ébroue.
Le silence de la lande, à perte de vue.
Et la mer au-delà.

samedi 25 avril 2015

On voudrait revenir à la page qu'on aime,
Et la page où l'on meurt est déjà sous nos doigts. (Lamartine)

On voudrait de sa vie composer le poème,
Et l'on ne balbutie que trois mots de guingois.

On voudrait se garder des petits matins blêmes,
Et à chaque matin croît notre désarroi.

On voudrait parvenir à être un peu soi-même,
Et l'on parvient surtout au saccage de soi.

On voudrait jusqu'au bout être jeune et bohème,
Et l'on éprouve, amer, de nos années le poids.

On voudrait bien, enfin, qu'un peu de soi essaime,
Et déjà de l'oubli on ressent le grand froid.

samedi 18 avril 2015

Petit moment jazzy.

Cela commence par la ponctuation feutrée du bassiste. A la batterie les balais chuchotent.
C'est tendre, sensuel, il ne manque que le velours d'une liqueur ambrée pour que ce soit parfait.

La trompette égrène son blues à mi-voix, lascive et caressante, tandis qu'à l'étage au-dessus une blanche avec un timbre de noire roule doucement d'un demi-ton à l'autre comme un marin ivre.

Attente, alcool, la nuit frissonne. Dialogue à mots épars, désirs croisés. Le regard s'attarde sur une épaule nue, un bas résille glisse le long d'un tabouret de bar.
La rive du matin est lointaine, et la solitude moins difficile à deux.

Pour les curieux : Hard times, Melody Gardot

mardi 14 avril 2015

Naître, grandir, jouer, apprendre - vieillir.
Aimer, épouser, enfanter, élever - vieillir.
Travailler, prévoir, cotiser, épargner - vieillir.
Se rouiller, souffrir, perdre, oublier - mourir.

vendredi 10 avril 2015

La mémoire, ce grand tiroir en fouillis où se côtoient le vrai et le faux de la vie...
Un jour, il a bien fallu commencer à ranger.
Alors j'ai écrit.

samedi 4 avril 2015

Deux tresses sages avec des petits nœuds rouges, et un nounours auquel il manquait un œil.
Elle avait sept ans et moi neuf. Elle sentait bon la confiture, son rire était léger comme un matin d'été, elle me chuchotait à l'oreille les secrets qu'elle ne confiait à personne.
Elle s'appelait Rachel et j'étais amoureux.

Il me reste le nounours, tombé par terre dans la bousculade.
Et, très loin d'ici, le souvenir d'une fumée noire et grasse dans un ciel d'hiver.

jeudi 2 avril 2015

Tu avais 17 ans à peine quand il est entré dans ta vie.
Ou bien est-ce toi qui es entrée dans la sienne ?
Peu importe au fond. L'un d'entre vous avait laissé la porte ouverte et l'autre l'a franchie.

lundi 30 mars 2015

Dans sa main, un bouquet de violettes. Les premières violettes du printemps. Frêles. Parfumées. Bien serrées, entre ses doigts.

Souffle suspendu. Arrêté.

Sur le drap blanc, un bouquet de violettes éparpillé.
Les premières violettes du jardin.

vendredi 27 mars 2015

Le clapotis de l'eau le long du quai. La caresse d'un citron moisi sur la pierre moussue. Des vaguelettes alourdies par une nappe d'huile irisée.
Une amarre qui grince, une drisse qui claque sur un mât. Le cri des goélands. La sirène déjà lointaine d'un bateau en partance.
Itinerrances. *

* Mot-valise constitué à partir des mots "itinéraire" et "errance"

mercredi 25 mars 2015

Les premiers mots. D'un blog, d'un discours, d'un livre. D'un enfant, de chair ou de papier.
Temps fort dans l'aventure. Petit pincement au cœur, surtout ne pas se tromper. Mais que dire, que tracer sur la page blanche qui mérite de l'être ?

"Au commencement était le verbe." Déjà pris.
"Ça a débuté comme ça." Pareillement.
"Bonjour." Un sommet dans l'originalité.

Sept lignes pour m'apercevoir que cette réflexion est désormais sans objet. Le sort en est jeté, "Chimères et coquecigrues" commencera donc par "Les premiers mots".
Pas si bête, finalement.