jeudi 9 février 2017

Deux tours, et puis plus rien.
Eh oui, quinze ans déjà.
Griffure au creux du ventre,
Ça ne me quitte pas.

Bien sûr, d'autres carnages...
Et ce n'est pas fini.
En matière de massacre
L'homme a bien du génie.

Mais dans la poussière grise
De ces tours foudroyées,
L'on pouvait donc mourir
En allant travailler ?

Dorénavant on sait
Qu'on peut mourir aussi
Parce qu'au bal danser
Un soir on est allé.

Entre amis, au café,
En faisant son marché,
Les yeux dans les étoiles
Un quatorze juillet.

Nous l'avions tous chanté
Avant de l'oublier,
Adèle, ceinture dorée,
Le pont s'est écroulé.

Innocence, légèreté
Sont des mots condamnés.
La page est arrachée.
Alphabet mutilé.

A l'ombre des deux tours
Un nouveau monde est né.
Plus de quinze ans déjà.
C'est parti pour durer.

mardi 7 février 2017

Ceux qui ont faim
Ceux qui ont froid
Ceux qui tanguent d'un trottoir à l'autre
Et ceux qui ont jeté l'ancre sur un bout de carton

Ceux qui attendent
Ceux qui espèrent
Ceux qui n'osent pas
Et ceux qui ont oublié pourquoi

Ceux qui ont tout leur temps
Ceux que personne n'attend
Ceux qui n'ont plus à faire semblant
Et ceux qui en un an ont pris près de cent ans

Ceux qui vitrinent
Ceux qui paillassonnent
Ceux qu'on met dehors
Et ceux qui n'entrent pas

Ceux qui renoncent
Ceux qui ont honte
Ceux qui baissent les yeux
Et ceux qu'on ne voit pas

Ceux qui Restos du cœur
Ceux qui Emmaüs
Ceux qui Samu social
Et ceux qui n'ont plus pour horizon
que la pièce qu'on leur tend parfois
pour s'acheter une conscience
ou bien sans y penser
en passant vite, pressé,
et qu'on oublie
sitôt le coin de rue tourné.

samedi 4 février 2017

Il y a en sous-sol à Montparnasse un trottoir roulant de 186 mètres qui permet de se rendre de la gare au métro ou vice-versa à la vitesse de 0,8 mètres/seconde. Une fois engagé sur ce tapis, il n'est plus possible d'en descendre, sauf à remonter le flot de la foule qui s'y est engouffrée avec vous - bousculade et insultes garanties.
Vous voici donc contraint d'aller jusqu'au bout en vous laissant véhiculer comme une valise à la sortie de l'avion, la seule alternative consistant à vous glisser dans la file rapide des marcheurs, située sur la gauche dudit tapis.
Mais d'échappatoire, point.
Tout cela pour éviter d'avoir à traverser l'esplanade en surface, venteuse et glaciale en hiver, écrasée de chaleur en été. Avantage néanmoins de cet itinéraire bis, vous retrouvez votre totale liberté de mouvement : vous pouvez tracer des boucles, avancer en diagonale, revenir sur vos pas, repartir en tirant des bords carrés, ronds, obliques, et même, comble du luxe, vous asseoir par terre et ne plus bouger, en regardant passer les autres...
Y a-t-il aussi un itinéraire bis au trottoir roulant de la vie ?

jeudi 2 février 2017

J'aurais voulu pouvoir me réfugier sous l'aile de ma grand-mère. Me blottir contre elle, comme autrefois, lorsqu'un cauchemar me jetait dans son lit au milieu de la nuit.
Elle ne m'aurait pas protégée du chagrin, non. Nous l'aurions juste partagé.

Mais elle n'était pas au rendez-vous.

Et je suis restée seule, les bras vides, avec au cœur mon besoin d'elle, elle qui n'était pas là, elle qui ne viendrait pas.

Il a fallu que sa fille s'en aille aussi pour qu'avec quinze ans de retard je réalise qu'elle était vraiment partie.

L'urne est là, devant moi, sur la table blonde inondée de soleil.
Courbes rondes, vert foncé.
Une petite plaque dorée posée de travers,
et des lettres gravées qui n'ont aucun sens.
Froide sous ma main.
Définitive.
Bientôt je la perdrai aussi,
mais pour le moment elle est là, dense et rassurante.
Tu as bien dû exister, puisqu'elle est là.