mercredi 12 octobre 2016

Je suis archiviste, et je cherche une raison d'être.
Dans le sous-sol poussiéreux qui me sert de tanière, où nul ne vient jamais, dont le chemin même ne figure plus sur aucun plan, je passe mes journées à lire, trier, consigner, classer, ranger. Des centaines, des milliers de dossiers, certains riches d'une seule feuille dactylographiée datant de quelques semaines à peine, d'autres épais comme la misère du monde, qui dorment sur ces étagères depuis des décennies.
Je lis, je trie, je note, je classe, je range. Je réfléchis. Je retiens. Je compare. J'établis des corrélations, des chronologies. Je construis.
Puis je doute. Alors je recommence.
Je suis archiviste et je poursuis les monstres et les fantômes, les croquemitaines et les sorcières. Le bric-à-brac enfoui dans le silence des siècles, les braises rougeoyantes des bûchers de la haine, la sueur glacée de la terreur, l'odeur métallique du sang si souvent répandu, toute cette violence ordinaire que le temps recouvre d'un voile d'indifférence.
Je cherche l'indicible, je cherche entre les lignes, je cherche le sens caché des mots couchés sur le papier. J'use mes yeux sur l'infiniment petit, mon dos sur l'infiniment bas. Mes ongles écorchent l'écorce de la vie, la poussière des morts macule mes doigts noircis par l'encre usée.
Je suis archiviste, et je cherche l'espoir.

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