mardi 22 septembre 2015

Une boîte de bonbons La Vosgienne en fer. Ronde. Éraflée. D'un bleu-vert un peu rouillé.
Avec elle je jouais à la marelle dans la cour de récréation.
Les jambes nues en hiver, les nattes, la porte des toilettes qui ne fermait jamais.
Les tables de multiplication imprimées au dos des cahiers, les frises de coloriage pour séparer les jours, les dessins appliqués en marge des récitations.
Les bûchettes en bois peint, les encriers en faïence blanche encastrés dans le coin supérieur droit des pupitres inclinés, les taches d'encre violette sur les tabliers.
Contre les genoux, le froid vert de la case métallique dans laquelle nous rangions nos trésors.
Les prénoms gravés dans le bois de nos tables.
L'odeur des copies qu'on nous distribuait. Alcool, encre et papier. Le parfum d'amande amère de la colle blanche en pot. Celui des crayons de couleur quand coulissait le couvercle du plumier.

Le passé s'écrit dans nos mémoires en lettres sensuelles, c'est ce qui le rend si doux à caresser.

mardi 15 septembre 2015

Évanescence

Écume des mots, des choses, et de la vie
Parfum d'espoir, de désespoir
Tout n'est que traces
Et tout s'efface

Ici on vocifère
Ailleurs on tonitrue
On se pavane
On joue des muscles

Il n'en restera rien

A peine une ligne
Dans un livre d'histoire

Puis le livre d'histoire
Lui-même s'évanouira

D'autres viendront
S'agiteront
Disparaîtront

Désert glacé
Silence
Obscurité

Tout n'est que traces
Et tout s'efface

samedi 12 septembre 2015

Écoute-moi, murmure le coquillage. Colle bien ton oreille contre ma bouche, et écoute. Elle respire doucement, tu l'entends ?
Je vais te raconter son histoire. Ses amants. Ses trésors.

Pour l'instant il n'y a rien à craindre. Elle repose au fond de mon labyrinthe, la chevelure dénouée, abandonnée, offerte.
Elle dort.
Plus tard, peut-être, elle se roulera en tourbillons de sable, elle criera sa colère au creux de mon ventre, elle sera dangereuse, elle pourra même tuer.
Cela aussi, je te le raconterai.
Ses naufrages, et ses larmes.

Écoute. Écoute son souffle lent qui fait bouger les algues. Écoute la vague qui soupire au rivage. Écoute l'écume qui pétille.

Je vais te raconter comment je l'ai enfermée dans mon silence nacré.
Je vais te raconter le grain de sa peau. Le sel de ses lèvres.
Je vais te raconter les légendes qu'on a tissées pour elle, brumes d'alcool et d'opium rêvées par des marins aux yeux brûlés par son éclat.

Je vais te raconter, je vais te raconter.