samedi 23 mai 2015

Café. Noir. Fort.
Je pousse la porte. Petite table ronde. En angle. En vitrine. En alu.
Il pleut.
Le garçon se matérialise.
Grand. Voûté. Un peu las.

Café. Noir. Fort.
Une larme brune a coulé dans la soucoupe. Sucre taché. Petite cuillère, pas nette.
Il pleut.
Je ne sais pas où aller.
Vide. Seule. Égarée.

Café. Noir. Fort.
Amertume sur la langue. Chaleur, réconfort. Et déjà, l'appréhension du dehors.
Il pleut.
Je n'ai pas de quoi payer.
Porte-monnaie, lambeaux de vie, oubliés.

Café. Noir. Fort.
Sur le seuil, je vacille. Le vent, glacial. Je me blottis dans ma robe d'été.
Il pleut.
Un vague souvenir m'assaille.
Alzheimer, ils ont dit.

mardi 19 mai 2015

Un fil ténu, tendu, entre le monde et elle,
Un fil arachnéen, un rien, une dentelle,
Qui peu à peu s'efface,
S'effrite, et disparaît.
L'on sait déjà, hélas,
Qu'il finira muet,
Ce petit fil tendu entre le monde et elle.
Dans un an, dans dix ans, à quoi servira-t-elle ?

17 ans aujourd'hui !
L'âge que j'avais alors
Quand j'ignorais encore
Qu'un jour tu serais là.
17 ans aujourd'hui,
Incroyable! Déjà?

samedi 16 mai 2015

Clameurs dans la cour,
Un ballon s'envole,
Le tir est trop court,
En face on rigole.

Plus loin on s'observe,
On discute, on ment,
Parfois on s'énerve,
On forme des clans.

Dans un coin on troque,
On vend, on achète,
On triche, on escroque,
Vite, à la sauvette.

Mais l'heure a tourné,
Tout le monde en rang.
Fin de la récré,
Retour au néant.

La sirène ulule.
Matons et matraques.
Chacun sa cellule.
Et le verrou claque.

vendredi 15 mai 2015

Il a pris ses habitudes au Blue Anchor Inn. Un pub agrippé à une falaise rouge, grignotée par la mer, qui à chaque coup de noroît perd un bout de jardin.
Il y a quelque temps des experts sont venus. La mine grave ils ont pris des mesures, noirci des pages de savants calculs. Un beau matin c'est le pub tout entier qui basculera dans le vide. Avis de fermeture imminente. La mine grave ils sont repartis.
Le pub, lui, est resté. Sa clientèle et ses joueurs de fiddle aussi. La Guinness réchauffe l'âme, on rit, on trinque, on parie, comme si au-dehors le néant n'avançait pas.
A toute heure il est là, accroché au bar ou devant la cheminée où ronronne le feu. Les autres entrent et sortent, vont et viennent, s'interpellent. Il les regarde s'agiter sans broncher. Il boit, il mange, il re-mange, il re-boit. C'est une affaire sérieuse. Sa retraite, aussi maigre que son ventre est rond, y passe presque entièrement. De toute façon il y a bien longtemps que plus personne ne l'attend chez lui. Sa maison, c'est ici.
De temps en temps il s'adresse aux rares étrangers qui font halte. "Where're you from ?"
Il voyage à travers leurs réponses. Il est heureux ainsi.
Comme si au-dehors le néant n'avançait pas.

mardi 12 mai 2015

Bruyère rousse, rase,
Balayée d'une chevelure blonde.
Terre noire, spongieuse,
Parcourue de frissons d'eau de pluie.
Au loin, un coucou.
Un cheval qui s'ébroue.
Le silence de la lande, à perte de vue.
Et la mer au-delà.